64 pages
Format fermé : 23 x 28,7 cm
Impression CMJN
Tous n’ont pas fait les mêmes voyages est le fruit d’une expérience que nous avons menée en collaboration avec la photographe Marine Lanier, sur une année, au sein du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier (Isère). Initié et porté par Stimultania, le projet réunit et associe des artistes, des personnes en détention et des proches de détenus autour de la création d’une œuvre collective mixant les disciplines de la photographie et du graphisme.
Le projet, articulé autour des thématiques du clan et du sauvage, vient questionner notre besoin fondamental d’appartenance. Cet instinct primitif qui, depuis la nuit des temps, motive les êtres humains à se focaliser sur ce qu’ils ont en commun, les aspirations qu’ils partagent pour créer du lien et se construire une "famille" qui dépasse le sens littérale du terme. Nous avons donc invité les participants à imaginer ce que pourrait être notre clan et à en concevoir de manière ludique les caractéristiques.
Si les contraintes administratives et matérielles liées au milieu carcéral nous ont demandé une préparation précise et rigoureuse, nous avons cependant fait en sorte que le projet ai vocation à déborder de la trame que nous avions élaboré.
Ainsi, au fil des mois, grâce aux expériences du groupe, au travail réalisé en commun, ce clan artificiel, hétérogène et mouvant, s’est créé une identité. Se nourrissant des échanges et des discussions, il a écrit son histoire et sa mythologie. Par la manipulation d’outils et de matériaux, il a imaginé les différents attributs qui le caractérisent : son esthétique graphique, son langage, ses codes, son territoire et son environnement.
Cet ouvrage a été conçu comme un recueil de témoignages fragmentaires, de traces et d’empreintes photographiques qui ont pour objectif premier de rendre compte de l’existence de ce clan voué à la disparition ou du moins à la diaspora. L’avant-propos de Jean-Baptiste de Panafieu, parsemé d’hypothèses scientifiques et d’interrogations auxquelles il n’existe sans doute pas de réponse, nous invite à parcourir les pages sous un angle quasi ethnographique.
Universel et intemporel, le masque montre et expose beaucoup plus qu’il ne dissimule, ainsi, le personnage masqué n’est pas simplement un être dont l’identité nous est inconnue, il se révèle. Nous avons envisagé le masque, de sa confection à son port, comme un moyen d’écrire notre individualité dans le langage du groupe. Il est à la fois, signe distinctif et signe d’appartenance. La série de portrait a été réalisée tout au long du processus de la fabrication des masques. Ce qui dans le projet éditorial, nous permet d’entrelacer différentes temporalités, des masques bruts, sans langage et d’autres plus complexes et aboutis.
En parallèle du travail de confection des masques, le clan s’est inventé son propre système d’écriture. On le retrouve sous la forme d’idéogrammes mystérieux ici et là de manière récurrente dans le livre, tantôt il s’entremêle discrètement au milieu des motifs décoratifs d’un masque, tantôt il apparait en fragments dans un collage. Le sens de ces signes, les idées qu’ils véhiculent demeurent impénétrables, seul l’initié possède les clés lui permettant de passer du visible au lisible.
Des collages réalisés à partir d’une riche documentation issue des sciences humaines, sciences naturelles et autres documents topographiques, se jouent de notre imaginaire collectif et nous emportent consciemment ou inconsciemment vers des expéditions lointaines, des ailleurs fantasmagoriques. Ce travail graphique fait également échos à un texte très onirique Tous n’ont pas fait les mêmes voyages, écrit par Marine Lanier à partir de témoignages et confidences reçus durant les temps partagés au sein du centre de détention.
Enfin, une autre série de photographies ponctue le livre, telles des échantillons de flore et de faune, elles ont été conçues en collaboration avec des proches de détenus au sein de la maison des familles du centre pénitentiaire. Les familles, amis ou accompagnants présents avant, pendant et après les parloirs nous ont aidé à concevoir, à la manière de dioramas, des décors composés d’une multitude de végétaux que nous avions mis à leur disposition. Ces prises de vue rendent presque palpables les territoires imaginaires de notre clan imaginé.